Comment notre environnement économique et social influence-t-il notre santé mentale?

Incertitude? Ascenseur émotionnel? Epuisement? Peur? Résilience? Et si notre état psychologique n’était pas le fruit de notre seule responsabilité individuelle ?

Notre ​santé mentale dépend de facteurs génétiques et de notre capacité à gérer nos émotions, c’est un fait! Mais elle est aussi – et surtout – influencée par nos conditions de vie. Environ 60% de notre état de santé général est déterminé par notre environnement socio-économique et le contexte sociétal dans lequel nous vivons. De la même façon que pour la santé physique, de nombreux facteurs externes et internes à la personne influencent notre santé mentale.

Ainsi, le revenu, le logement, l’emploi, les dettes, la vie sociale mais aussi l’environnement urbain ou la politique sociale et économique d’une communauté, ont une influence sur le bien-être social et la santé mentale à un niveau individuel et collectif.

Ce constat en apparence évident nous amène à nous poser un certain nombre de questions. Comment nos conditions de vie influencent-elles positivement ou négativement notre santé mentale ? Et quel rôle la politique joue-t-elle dans le maintien d’un bon niveau de santé mentale ? Sommes-nous seul.e.s responsables de notre santé mentale ?

Ma santé mentale va bien quand…

… Je travaille, j’ai un revenu décent et les moyens de me former ?
Etre chez soi, se déplacer, travailler, avoir du temps « libre », consommer, entretenir des liens sociaux… ces actes du quotidien constituent notre « vie socio-économique ». La manière dont nous la vivons ou la subissons, dont nous en jouissons ou dont nous en souffrons, a un impact majeur sur notre état de santé général et notre bien-être.

Les études montrent clairement un lien de cause à effet entre notre état de santé psychologique et nos conditions de vie, qu’il s’agisse de notre niveau de formation, notre profession ou notre revenu. Ainsi, la probabilité de souffrir d’une maladie psychique, telle que des symptômes dépressifs ou d’anxiété, varie fortement en fonction de notre statut socio-économique et augmente considérablement lorsque co-existent plusieurs inégalités, telles que le genre ou des différences d’origines. Pour ne donner qu’un seul exemple, les femmes en situation de précarité présentent le risque le plus élevé de dépression par rapport à toutes les autres populations.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, il existe une relation à double-sens entre la santé mentale et le niveau socio-économique:
« Une mauvaise santé mentale mène à une diminution de l’emploi et du revenu, qui en retour influence négativement la santé mentale. »

Troubles psychologiques en Suisse en fonction de :

Emploi

PERSONNES SANS EMPLOI

PERSONNES AVEC EMPLOI

Niveau de formation

DEGRÉ TERTIAIRE
13%
DEGRÉ SECONDAIRE
18%
ÉCOLE OBLIGATOIRE
25%

Revenu

REVENU ÉLEVÉ
13%
REVENU MOYEN
17%
REVENU BAS
22%

« Plus un individu est en situation précaire, moins il est riche matériellement dans sa communauté, et plus il a de risque de présenter des troubles psychiques. »
– La promotion de la santé mentale : un enjeu individuel, collectif et citoyen

Sommes nous seul.e.s responsables de notre santé mentale ?

Notre santé mentale est influencée par un ensemble de facteurs déterminants qui sont internes et externes à la personne.

Favoriser une bonne santé mentale, c’est possible?

Est-il possible de renforcer les facteurs positifs de la santé mentale et à l’inverse, de réduire l’impact des facteurs négatifs ?

Les études sur l’impact négatif des facteurs socio-économiques sur la santé mentale sont nombreuses. Malheureusement, il est plus difficile de trouver des travaux démontrant leurs effets positifs et protecteurs.

Et pourtant! Nous savons par exemple que plus le niveau de formation est élevé, moins les problèmes psychiques sont fréquents. De la même manière, de bonnes conditions de travail contribuent à une bonne santé mentale. De nombreuses études montrent qu’il est possible de réduire le stress, l’anxiété et la dépression, ainsi que d’augmenter l’estime de soi et la satisfaction au travail à travers des actions telles qu’une augmentation du contrôle exercé par l’employé.e, un meilleur accompagnement de l’employeur ou une réduction de la charge de travail.

Quels sont, dans votre vie, les éléments qui vous apparaissent comme des gardiens de votre santé mentale?

Par exemple, posons-nous les questions suivantes:

  • Est-ce que votre emploi vous semble protecteur pour votre santé mentale?
  • Est-ce que votre lieu de vie est source de sécurité et de confort?
  • A l’inverse, vous sentiriez-vous plus valorisé si vous aviez plus de marge de manoeuvre dans votre travail?
  • Plus calme et serein.e si vous bénéficiez d’un logement plus spacieux?
  • Ou si vous n’aviez plus besoin de passer plusieurs heures par jour dans les transports aux heures de pointe?
  • Si vous aviez plus de temps libre?

Ces éléments sont au coeur de notre santé mentale, même si nous ne nous en rendons pas toujours compte.

Depuis la pandémie, c’est tout notre rapport au travail qui est bouleversé !
Stress intense, conditions de travail difficiles, télétravail, pertes d’emplois, bouleversement des liens sociaux et de l’organisation au sein des sociétés, opacité des processus décisionnels, insécurité économique… Quelles sont les conséquences de ce grand bouleversement sur notre santé mentale ?

L’augmentation du stress est surtout due aux changements liés au travail ou à école, au fardeau de vivre seul.e et à l’incertitude de l’avenir.

Retrouvez notre fact sheet sur les liens entre Covid et santé mentale sur la page de l’Observatoire

des Suisse ont perçu une ​augmentation de stress avec la crise

ont perçu une ​diminution de stress

n’ont pas vu de changement.

Sur un fil…

Quel est l’impact de la précarité et de l’incertitude chronique sur notre santé mentale?
Les effets de l’instabilité économique sur la santé mentale sont désormais connus : perte de confiance en ses propres capacités, repli sur soi, isolement social pouvant entraîner une augmentation du stress, du risque de dépression et de troubles anxieux.
La précarité c’est donc vivre comme une sorte de funambule. Il faut pouvoir tenir, sur un fil, suspendu, dans l’attente des fins de mois, d’un travail, d’un revenu avec « la boule au ventre tous les 25 du mois ».

« La pauvreté c’est avoir peu […] La précarité c’est avoir peur : peur de perdre, mais de perdre quoi ? »
– Jean Furtos

Quel impact cette peur a-t-elle sur les individus à long terme ?
Les études montrent que le risque de souffrir de troubles psychiques est le plus élevé chez les personnes travaillant sans contrat ou soumises à des contrats temporaires et précaires. L’anxiété générée par l’incertitude et la précarité de l’emploi est donc plus néfaste que l’absence d’emploi elle-même !

« Quand on ne vit que des fragments de vie c’est impossible de donner un sens à sa vie »
– Les nouveaux pauvres : quand travailler ne suffit plus (Arte)

L’économiste Guy Standing est à l’origine du terme « précariat ». Il explique comment ce nouveau corps social, qui ne cesse de croître partout dans le monde, doit faire face à une incertitude devenue existentielle. Quotidiennement soumis à l’insécurité économique, aux incertitudes, à l’endettement et aux humiliations, les membres du précariat sont davantage des « résident.e.s précaires » que de véritables citoyen.e.s.

Focus sur un acteur qui agit sur nos conditions de vie

Connu pour sa buvette et ses soirées festives, Le Bateau Genève est aussi et surtout un lieu d’accueil, de soutien et de réinsertion socio-professionnelle unique à Genève, pour les personnes en situation de précarité.

La santé mentale, c’est politique!

Si nous ne sommes pas seul.e.s responsables de notre santé mentale, avec qui partageons-nous cette responsabilité? Et comment la porter ensemble?

Prenons un exemple actuel: l’écologie. On admet aujourd’hui que les petits gestes individuels tels que recycler ses déchets ou économiser l’eau ne suffisent plus pour sauver la planète, et qu’il ne sert à rien de culpabiliser les individus tant que les entreprises, les collectivités et les politiques ne prendront pas, elles aussi, leurs responsabilités.

La santé mentale, c’est pareil. Chacun.e peut faire de son mieux, à son niveau, pour prendre soin de soi, entretenir sa santé psychologique par différents moyens et chercher de l’aide quand c’est nécessaire. Mais ça ne suffit pas!

Si on y réfléchit, la plupart des éléments qui ont une influence majeure sur notre santé mentale (notre revenu, nos conditions de logement, nos conditions de travail, notre accès à la formation, etc.) ne relèvent qu’en petite partie de notre responsabilité individuelle. Il s’agit en réalité d’enjeux collectifs qui sont définis ou encadrés par des politiques publiques et des stratégies commerciales.

Alors que faire? Et comment?

Que peut-on faire au niveau politique et structurel?

  • faciliter l’accès à l’emploi et à la formation
  • punir et prévenir les discriminations
  • lutter contre les emplois précaires et les systèmes qui les permettent
  • veiller à l’inclusion de toutes et tous
  • soutenir les plus vulnérables
  • informer la population sur la santé mentale et l’importance de ses déterminants sociaux
  • intégrer les enjeux de santé mentale dans toutes les politiques publiques

Que peut-on faire à un niveau local?

  • prendre part à la vie locale, de quartier et associative
  • provoquer des réflexions au sein de nos entreprises sur les conditions d’embauche et de travail
  • veiller à l’inclusion de toutes et tous
  • soutenir les plus vulnérables qui nous entourent

Que peut-on faire à un niveau individuel?

« La promotion de la santé mentale est un acte politique car elle vise essentiellement les facteurs sociaux, lesquels dépendent quasiment tous de l’action publique »
– La promotion de la santé mentale : un enjeu individuel, collectif et citoyen

Et vous ? Qu'en pensez-vous?

Participez à notre mini sondage anonyme et comparez vos résultats avec les autres participants.

Tisser du lien

En quelques jours, la crise du COVID-19 a bouleversé nos vies, nos façons de travailler, d’habiter et d’être ensemble. Nous avons pris conscience, à l’échelle globale, de l’importance des contacts humains dans le maintien d’une bonne santé mentale.  D’ailleurs, l’OMS a d’abord parlé de “distanciation sociale”, avant de revenir sur ce terme et le corriger pour celui de “distanciation physique” pour bien souligner l’importance de garder ce lien social, même à distance. Qu’est ce qui favorise ou entrave les liens sociaux? Quels sont les effets de l’isolement social sur notre santé mentale?

> Coronavirus, comment protéger sa santé mentale? Retrouvez notre article

des Suisses ont vu une augmentation de symptômes dépressifs par rapport à avant la crise sanitaire. L’augmentation est due notamment au fardeau de vivre seul.e et au fait de ne pas pouvoir passer du temps avec ses proches.

c’est le risque d’augmentation de mal-être psychologique pendant la crise du COVID-19 lorsque les contacts avec les proches sont réduits.

Qu’est-ce qui fait une vie réussie ?

Une grande étude menée sur une durée de 80 ans montre que la dimension la plus significative qui permet de vivre plus vieux, plus heureux et en bonne santé, est le lien social.

Construire son identité, faire face aux événements de la vie, trouver la force de rebondir, n’est-ce donc possible que lorsque nous sommes bien entouré.e.s? Et si créer du lien était en fait une compétence comme d’autres, qui doit s’acquérir, s’apprendre et se cultiver?

Nos sociétés individualistes modernes et ultra connectées rendent le lien social de plus en plus difficile. Et comme beaucoup d’autres ressources, celle du lien social est inégalement partagée. Les personnes fragilisées (chômage, précarité, parentalité solo, vieillissement…) sont plus durement touchées par l’isolement.

On sait aujourd’hui que le sentiment de solitude, le soutien social et les troubles psychiques sont très étroitement liés et varient fortement en fonction de l’âge, du genre, du niveau de revenu, du niveau de formation, des origines…

C’est un véritable révélateur d’inégalités!

En Suisse, le sentiment de solitude touche:

42%
DES FEMMES
30%
DES HOMMES
32.8%
DES SUISSES NÉS EN SUISSE
40.4%
DES ÉTRANGERS NÉS EN SUISSE
41.6%
DES SUISSES NÉS À L’ÉTRANGER
44.5%
DES ÉTRANGERS NÉS À L’ÉTRANGER

Testez vos connaissances !

Répondez à quelques questions et apprenez-en plus sur ce sujet encore méconnu. Votre participation au quiz est entièrement anonyme.

L’importance des mots…

La façon dont nous utilisons certains mots a une influence sur nos représentations mentales, et sur celles des autres. Ces expressions toutes faites que nous employons sans trop y réfléchir sont pourtant chargées de signification.

C’est quoi la vie active?

Et par opposition, c’est quoi la vie inactive ? Est-on inactif.ve quand on est à la retraite ? Quand on est au chômage ? Quand on étudie ? Comment trouver sa place dans la société lorsque se battre pour trouver un emploi, s’occuper des enfants, ou bien se réinventer après un accident de la vie, nous renvoie à notre prétendue inactivité ?

Vivre sa vie ou la subir?

On dit que “gagner sa vie” c’est avoir un travail et un revenu. Et pourtant, dans notre société avancée et matériellement abondante, une personne sur quatre souffre d’un problème de santé mentale.

Est-ce que vivre dans une société riche rend heureux.se? Pourquoi productivité, PIB et pouvoir d’achat ne sont-ils pas synonymes de bien-être pour toutes et tous? La promesse d’un monde meilleur qui viendrait d’une économie alternative, décroissante, sociale et solidaire, est-elle également une promesse d’une meilleure santé mentale?

Vous vous posez encore plein de questions ? minds vous invite à continuer la discussion autour d’un minds talk #04 – Vivre sa vie ou la subir sur les liens entre prospérité, modèles économiques et santé mentale, le 15 octobre au Café Les Savoises, en partenariat avec Après-Ge, réseau de l’économie sociale et solidaire.

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