Retour sur les talk “Pleure comme un homme* !”

Nous avons eu le plaisir de recevoir 3 intervenants passionnants autour de notre thématique de campagne Pleure comme un homme ! :

• Dr Vincenzo Iacoviello-Frederic, maître-assistant et chargé de cours en psychologie sociale et expert de l'évolution des normes de masculinité
• Quentin Delval, philosophe, auteur du livre “Comment devenir moins con en 10 étapes”
• Gilles Crettenand, responsable du programme MenCare Suisse romande et spécialiste en parentalité masculine (édition du 12 novembre 2024)

Ces derniers ont non seulement partagé leurs connaissances mais aussi leur expérience personnelle en tant que pères.

Un “vrai homme”, c’est censé…

Les stéréotypes sur ce que devrait être un “vrai homme” sont nombreux. Ils décrivent ce que l’on attend comme comportements de la part d’un homme pour le considérer comme tel. Malheureusement, comme l’ont expliqué nos intervenants, ces stéréotypes peuvent mener les hommes à adopter des comportements néfastes pour leur bien-être.

Infographie complète  “Luttons ensemble contre les stéréotypes de genre ! Un vrai homme* c’est censé…”

« “Tu es un garçon, tu n'as pas le droit de pleurer !” Le résultat de cette phrase c’est l’espérance de vie plus basse chez les hommes, c’est aussi 3 fois plus de suicides chez les hommes que chez les femmes. » - Gilles Crettenand (édition du 12 novembre 2024)

Pas si simple de s’investir en tant que père

Aujourd’hui, de plus en plus d’hommes revendiquent le droit et le souhait de s’investir plus auprès de leurs enfants, remettant ainsi en question le modèle de la famille traditionnelle où seules les mères s’occupent des enfants. C’est une très bonne chose, car il est prouvé qu’un père investi permet d’améliorer le bien-être de toute la famille.

Mais s’investir auprès des ses enfants nécessite de développer de bonnes compétences émotionnelles pour pouvoir créer un lien avec ces dernier·ères. Communiquer de la bonne manière, faire preuve d’empathie et être capable de réguler ses propres émotions face au comportement parfois difficile d’un·e enfant sont des compétences essentielles pour prendre soin des plus jeunes.

Malheureusement, là encore, nos intervenants ont souligné la puissance de l’influence des stéréotypes intégrés dès l’enfance qui encouragent les petits garçons à ignorer leurs émotions, les empêchant ainsi d’apprendre à connaître, comprendre, exprimer et réguler ces dernières, ce qui rend toute forme d’engagement émotionnel plus difficile.

« Jusqu’à 37 ans je pensais que c’était intellectuel une émotion. J’ai réalisé ce que c’était vraiment en lisant un livre pour enfant avec mon fils. » - Quentin Delval

« On doit interroger les émotions qu’on ressent : pourquoi j’ai cette peur ? Pourquoi je suis triste ? Chaque fois qu’on se pose la question, on aura une connaissance de ses besoins fondamentaux. Sans cela on ne peut pas se connaître soi-même. » - Gilles Crettenand (édition du 12 novembre 2024)

Comment développer ses compétences émotionnelles ?

Le premier conseil de nos intervenants ? Arrêter de fuir et accepter de se remettre en question ! Quentin Delval évoque une prise de conscience douloureuse de sa propre incompétence émotionnelle, mais qui lui a permis de changer, d’apprendre et de se sentir au contraire capable et heureux dans le soin de ses enfants.

« Après avoir fait ce travail sur moi, je me sentais bien plus capable d’être fiable, d’être responsable, d’être réactif, d’être une figure moins enfantine aux yeux des autres, notamment ceux de la mère de mes enfants. » - Quentin Delval

C’est pour aider les hommes dans ce parcours qu’a été créé le programme MenCare. Ce dernier propose des ateliers et formations pour encourager les pères et les hommes à s'impliquer davantage dans les soins et pour changer durablement les mentalités.

Des politiques familiales défaillantes

Mais agir seul ne suffit pas ! Nos intervenants pointent du doigt des politiques familiales défaillantes, voire carrément absentes en Suisse, surtout lorsqu’il s’agit de soutenir les pères. Cela a des conséquences multiples sur les pères et les familles. On peut  notamment souligner :

• un manque de ressources qui ciblent spécifiquement les hommes
• un manque d’engagement des professionnel·les de la santé envers les hommes (tendance à se concentrer sur les mamans et à mettre de côté les papas)
• un manque de soutien entre hommes
• un manque de reconnaissance de leur place dans la famille, un manque de légitimité et de considération (par exemple, les crèches qui souvent appellent la maman plutôt que le papa)

« Il n’y a pas de politiques familiales dignes de ce nom en Suisse » - Gilles Crettenand (édition du 12 novembre 2024)

Permettre aux pères de s'investir davantage dépend directement des politiques sociales mises en place. Quentin Delval évoque l’exemple du Danemark où il a vécu durant 2 ans, pays dans lequel l’enfant a une valeur centrale et le rôle des pères est reconnu dans la loi :

• 6 mois de congé paternité
• seulement 3 jours d’attente pour trouver une garderie, contre 2 ans à Lausanne
• la possibilité de partir du travail à 15h pour aller prendre soin de son enfant, sans que cela ne provoque de jugement

Il souligne que ces politiques ne provoquent pas de problèmes financiers majeurs pour le pays. Au contraire, elles rapportent à la société dans son ensemble, avec des personnes plus détendues, qui créent un véritable lien avec leurs enfants.

Agir ensemble pour le bien-être de tout le monde

Nous sommes toutes et tous responsables des stéréotypes qui persistent dans la société. Par exemple, lorsque nous nous moquons d’un homme commandant un cocktail rose avec un petit parasol, demandons à un garçon de ne pas pleurer, nous contribuons à renforcer des normes qui découragent les hommes de prendre soin de leur santé mentale et de celle des autres.

Pour changer cette situation, une action collective est indispensable. Les hommes doivent développer des compétences émotionnelles qui leur permettent de mieux prendre soin d’eux-mêmes, des autres, et de demander de l’aide lorsqu’ils en ont besoin. Et la société dans son ensemble a également un rôle à jouer. Cela inclut non seulement une prise de conscience collective de notre rôle à tous et toutes dans la perpétuation des stéréotypes de genre, mais aussi des initiatives telles que les programmes de formation comme MenCare et des politiques sociales inclusives qui valorisent et soutiennent le rôle des pères au sein de la famille. Il est temps que nous donnions, en tant que société, un rôle égal à tous les co-parents, indépendamment de leur genre !

Nos 4 recommandations phares

• Reconnaître que les hommes aussi ont des émotions, et les encourager à les accepter, les comprendre et les réguler dès l’enfance !
• Sensibiliser la population à la lutte contre les stéréotypes de genre pour libérer les hommes du poids de ces attentes viriles, du jugement et des moqueries
• Encourager le développement des compétences psychosociales des hommes dès leur plus jeune âge pour favoriser une meilleure communication et gestion des émotions, et encourager la recherche d’aide
• Agir au niveau collectif pour mettre en place des politiques sociales favorables au bien-être des hommes et des pères : congé paternité, espaces dédiés aux familles et aux pères, soutien dédié au bien-être des hommes, etc.

« Finalement plutôt que homme ou femme, est-ce que la question n’est pas : qu’est-ce que c’est être humain ? » - Une participante au talk

Retours de participant·es sur l’événement